Sculptures

Deux axes de recherche qui se rencontrent parfois

« Traces d’humanité »

« Mémoires d’arbres »

TRACES D’HUMANITE

C’est un homme ou une femme ? C’est un homme, il n’a pas de poitrine. Oui mais ces hanches ! C’est une femme. Vous tournez autour de la sculpture, vous essayez de la débusquer entre ces panneaux de verre, des plaques de bronze, un labyrinthe, vous faites trois kilomètres en tournant autour de la statue monumentale perchée sur son aile d’avion, ou s’extrayant de quelques entrelacs de fils, d’une masse de bronze, d’une plaque d’inox. Toujours en mouvement, vous essayez de saisir celui de ces homme-femmes petits-grands qui vous échappent encore, qui se dédoublent, se reflètent, tentent de s’extraire de la masse brute, des profondeurs de la matière, de l’inextricable, de la fixité de l’obstacle. Pourquoi ces figures indéfinies sont-elles toujours gracieuses, légères, même les plus rondes, même les plus chargées de métal ? Parce qu’elles ne s’enfoncent jamais. Matières, formes en travail constant de… de quoi ? De recherche de la réalité à produire, de la transformation de soi et du monde. Combat acharné contre la répétition, l’acquis, l’indéfini, le suffisant. Combat positif du corps pour exister.

MÉMOIRE D’ARBRES

Nouvelle recherche, nouvelle mine, extraction de la matière brute. Matière insupportable qui existe par elle-même, qui s’impose et qu’il faut bien reconnaître. La force du bois d’un tronc d’arbre, rencontré par hasard loin des forêts, flottant au détour d’une crue et devant lequel on recule lorsqu’il s’agit de le travailler. L’aspect, la masse, la surface rugueuse et mate qui absorbe si totalement la lumière, la forme, intolérables évidences. Pour retrouver l’arbre, le comprendre et l’accepter, pour le reconnaître, il faut le travailler, l’extraire de lui-même (silhouettes évidées), en changer la matière (le bronze, l’acier, le verre), le scier, le canneler, l’ajuster au verre et au métal. Et dans le cours du travail de l’artiste, dans le passage d’œuvre en œuvre de notre regard, nous devenons l’arbre.

Philippe Charrier